Préserver le patrimoine naturel et bâti en cœur de Parc National : le Château d’If.

Le Château d’If, monument insulaire emblématique de la rade de Marseille, est classé monument historique depuis 1926. Si cet édifice est largement connu du grand public grâce à Alexandre Dumas, son histoire ne se limite pas à ce très célèbre roman. Elle est constituée d’une succession de différentes époques d’occupations militaires et carcérales, sur plusieurs siècles, induisant des travaux de rehaussement et de transformations des remparts en réponse à l’évolution des techniques militaires. Ces évolutions sont à l’origine de la structure telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Si l’héritage culturel transmis est remarquable, il en est de même sur le plan biologique ; l’île accueille en effet plusieurs espèces végétales protégées, mais également deux espèces de reptiles et une espèce d’oiseau associées à l’existence des remparts… ou plutôt, à leur dégradation. En effet, à mesure que les joints se dégradent, des fissurent naissent et permettent pour les plus étroites d’entre elles de créer des habitats exploités par une espèce rare de reptiles nocturne : le Phyllodactyle d’Europe, Euleptes europaea.

Ainsi, si la préservation du patrimoine est une mission du Centre des Monuments Nationaux, la mise en œuvre de sa restauration confronte le CMN à un réel enjeu : comment restaurer les remparts quand leur dégradation crée des habitats favorables à une espèce protégée à fort enjeu de conservation, qui plus est en cœur de Parc National des Calanques, et en site Natura 2000.

C’est dans le but de résoudre ce dilemme que le Maître d’Ouvrage a fait appel aux services de notre entreprise, spécialisée en travaux de restauration écologique. Nous sommes intervenus dans un premier temps sur les aspects réglementaires (étude d’incidences, étude d’impact, dossier dérogation espèces protégées), puis aujourd’hui en phase de suivi de travaux.

Notre équipe a pu démontrer dans le cadre d’autres travaux insulaires (Cheylan et al., 2018), que le Phyllodactyle d’Europe s’adapte assez facilement à de nouveaux gîtes, constitués de tuiles romaines, dès lors que l’interstice créé respecte un écartement bien précis. Ces gîtes artificiels étaient jusqu’alors utilisés pour faciliter les suivis de populations. Le principe a été adapté, et les mêmes gîtes sont à présent intégrés directement dans le parapet du rempart en phase travaux.

Ainsi, la mise en œuvre nécessite une bonne coordination entre l’entreprise Girard (groupe Vinci, en charge des travaux) et l’écologue (en l’occurrence herpétologue) en charge du suivi écologique de chantier. Les travaux sont scindés en différentes phases. À chaque phase, correspondant à une portion de rempart, l’écologue procède à une ou plusieurs sessions de capture nocturne de tous les Phyllodactyles pendant toute la nuit, à raison d’une session par heure. Ces individus sont ensuite mesurés, sexés et pesés, puis conservés dans un gîte artificiel cloisonné et situé sur l’île, à distance des travaux. Passé cette opération, les parapets sont éclairés afin d’éviter toute recolonisation des Phyllodactyles pendant les travaux. C’est à partir de ce moment-là que commence le compte à rebours… L’entreprise dispose alors de 3 semaines pour restaurer le parapet et y intégrer les gîtes, par affouillement et retrait de blocs correspondant aux dimensions du gîte. Passé ces opérations, les Phyllodactyles sont relâchés dans ces gîtes et trouvent ici leur habitat de substitution.

La restauration de l’ensemble des remparts s’étalera sur deux ans, pendant lesquels le Château d’If reste ouvert au public. D’autres mesures sont également mises en place : préservation de la flore protégée, préservation des nids de Martinet pâle, mesures de précautions pour éviter toute introduction d’espèces exogènes, etc. Le maître d’ouvrage associe le Parc National des Calanques, afin de respecter les deux aspects : préservation du patrimoine culturel et du patrimoine naturel.

Un suivi de l’efficacité des mesures appliquées sera ensuite mis en place, dans le but de vérifier que celles-ci ont permis de répondre aux forts enjeux de ce site, remarquables par bien des aspects.

Vincent RIVIERE
Dirigeant associé
AGIR écologique

CHEYLAN M., RIVIERE V., CHEYLAN A., 2018. Evaluation d’une méthode de suivi à long terme du gecko Euleptes europaea sur l’île du Grand Rouveau (Archipel des Embiez, Var, France). Revue d’écologie (Terre et vie). Vol 73 (4) : 526-536.

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