Comment mesurer les effets des opérations de restauration de l’hydromorphologie des cours d’eau et évaluer leur réussite ? Le projet Réseau de sites de démonstration pour la restauration hydromorphologique des cours d’eau, coordonné par l’Agence française pour la biodiversité, les agences de l’eau et l’Irstea a pour ambition d’apporter des éléments de réponse à ces questionnements.
RectifiĂ©s, recalibrĂ©s, curĂ©s, barrĂ©s, endiguĂ©s, et parfois mĂªme dĂ©tournĂ©s, les cours d’eau ont vu leurs formes profondĂ©ment modifiĂ©es au cours des siècles afin de rĂ©pondre Ă diffĂ©rents usages anthropiques. Mais ces interventions, parfois très lourdes, altèrent les habitats naturels, bouleversent durablement les Ă©cosystèmes et les font dĂ©vier de leur trajectoire naturelle d’évolution. Ainsi, dans le cadre de la Directive-cadre sur l’eau, il a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© que 40 % des cours d’eau risquaient de ne pas atteindre le bon Ă©tat Ă cause d’altĂ©rations de leurs habitats. Une solution consiste Ă restaurer l’hydromorphologie de ces cours d’eau. Cette action vise le rĂ©tablissement des processus naturels : rĂ©activation de la dynamique fluviale, diversification des morphologies du lit (faciès, profils en travers), diversification des Ă©coulements et des habitats du lit mineur, reconnexion ou recrĂ©ation d’annexes hydrauliques…
Mais quels sont les effets de ces opĂ©rations de restauration hydromorphologique sur les Ă©cosystèmes ? Comment Ă©valuer leur rĂ©ussite ? La majoritĂ© des travaux scientifiques, dont l’ambitieux projet europĂ©en Reform, soulignent les effets positifs de la restauration hydromorphologique sur divers paramètres, comme la diversitĂ© et les abondances des communautĂ©s aquatiques. Cependant, d’autres travaux sont plus mesurĂ©s dans leurs conclusions. Tous Ă©voquent la grande variabilitĂ© des rĂ©ponses des communautĂ©s aux travaux de restauration. Pourquoi cette variabilitĂ© ? Elle peut Ăªtre en partie d’origine naturelle (diversitĂ© des milieux, des rĂ©gimes hydrologiques…), mais Ă©galement rĂ©sulter de biais mĂ©thodologiques fondamentaux : insuffisance de prise en compte des Ă©lĂ©ments de contexte, problèmes de conception (temporelle et/ou spatiale) des suivis…
En comblant ces biais mĂ©thodologiques, le projet de RĂ©seau de sites de dĂ©monstration pour la restauration hydromorphologique des cours d’eau a pour objectif de mieux comprendre les trajectoires de rĂ©cupĂ©ration des cours d’eau restaurĂ©s. Il repose sur l’idĂ©e de mettre en Å“uvre, sur quelques dizaines d’opĂ©rations de restauration, un suivi standardisĂ©, rigoureux et informatif. Ce suivi, Ă©laborĂ© en 2010, a Ă©voluĂ© grĂ¢ce Ă sa mise en Å“uvre sur le terrain et Ă un processus partenarial entre scientifiques et opĂ©rateurs (agences de l’eau, Agence française pour la biodiversitĂ©, Irstea, maĂ®tres d’ouvrage, bureaux d’études…). Une version rĂ©actualisĂ©e du suivi est dĂ©sormais disponible sous forme d’un guide opĂ©rationnel. Applicable aux cours d’eau permanents et prospectables Ă pied, ce suivi a Ă©tĂ© adaptĂ© Ă sept types d’opĂ©rations de restauration de l’hydromorphologie des cours d’eau, dont les effacements d’ouvrage et les remĂ©andrages. ComposĂ© de trois parties, le guide expose tout d’abord les grands principes de construction du suivi, puis dĂ©taille le suivi adaptĂ© Ă chaque type d’opĂ©ration et, enfin, prĂ©sente les diffĂ©rents protocoles Ă mettre en Å“uvre sur le terrain ainsi que des pistes d’interprĂ©tation des rĂ©sultats obtenus.
Aujourd’hui, en mĂ©tropole, une quarantaine de sites suivent les principes de ce suivi standardisĂ©. Ces sites constituent le RĂ©seau de sites de dĂ©monstration pour la restauration hydromorphologique des cours d’eau. Sur les bases de la nouvelle version du guide, le rĂ©seau des sites de dĂ©monstration a pour objectif de s’Ă©largir Ă de nouveaux sites et d’atteindre d’ici fin 2020 un minimum de 60 sites suivis.
Depuis 2016, des actions de valorisation scientifiques et techniques, ainsi que des actions de communication (Film), permettent au projet de gagner en visibilitĂ© et de s’enrichir de nouveaux regards et de nouvelles collaborations. Des pistes de travail ont Ă©mergĂ©, comme la prise en compte des co-bĂ©nĂ©fices liĂ©s aux opĂ©rations de restauration et le suivi des effets de la restauration sur les communautĂ©s vĂ©gĂ©tales et animales des berges.
Anne Vivier
Chargée de mission Restauration des milieux
Agence française pour la biodiversité
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