Utiliser les mouches comme révélateurs de la biodiversité animale !

Les données sur la biodiversité sont aujourd’hui encore insuffisantes, parfois inexistantes, mais nous savons que près d’un quart des espèces de mammifères sont menacées. Il existe un besoin crucial de pouvoir les détecter dans leur environnement afin de comprendre les menaces qui pèsent sur elles. C’est ici que les échantillonneurs environnementaux entrent en scène.

Les biologistes moléculaires ont développé des méthodes permettant de détecter la présence d’espèces à partir d’un simple prélèvement dans l’environnement (sol, eau…) en ciblant les traces d’ADN laissées par les espèces derrière elles. C’est ce que l’on nomme l’ADN environnemental. Cette méthode a fait ses preuves et a permis d’évaluer la biodiversité sur de nombreux sites, de façon fiable et peu coûteuse (Taberlet et al. 2018). Il reste cependant difficile de détecter des traces de vertébrés terrestres à partir d’échantillons environnementaux, ou alors de façon aléatoire (fèces, poils…).

Afin de remédier à cette limitation, les scientifiques ont donc eu l’idée de s’appuyer sur un intermédiaire qui serait capable d’explorer les espaces naturels afin de les aider à recenser la biodiversité des vertébrés terrestres… Le principe est simple : des invertébrés se nourrissant de sang, de fèces ou de cadavres en décomposition sont capturés à l’aide de pièges odorants puis préservés dans l’éthanol ou séchés jusqu’à leur traitement au laboratoire pour en extraire l’ADN. L’échantillon contiendra bien sûr l’ADN de l’hôte mais également l’ADN des proies que ces invertébrés auront ingéré sur les animaux, carcasses, ou fèces visités. L’ADN ainsi récolté peut être comparé aux bases de données de séquences publiques pour savoir quelles espèces de mammifères vivent dans les environs. Ces intermédiaires, appelés des échantillonneurs environnementaux, sont donc venus agrémenter la boite à outils des biologistes de la conservation.

Une première étude illustrant le potentiel de cette méthode (Calvignac et al. 2013) avait échantillonné des mouches à sang et identifié, dans le parc national de Tao en Côte d’Ivoire, 16 espèces de mammifères, parmi lesquels l’hippopotame nain (Choeropsis liberiensis) et le céphalophe de Jentink (Cephalophus jentinki), tous deux classés « En danger », mais également d’un oiseau (le calao) et une grenouille. Depuis, plusieurs autres études scientifiques ont montré l’intérêt et l’efficacité de collecter différentes espèces de mouches, sangsues ou moustiques pour détecter une large variété de vertébrés terrestres. Cette méthode a plus récemment été utilisée pour explorer la biodiversité historique à partir de collections d’invertébrés de musées (Siddal et al. 2019).

Globalement, cette technique présente plusieurs avantages par rapport aux méthodes traditionnelles d’inventaire de la biodiversité animale. D’abord, les invertébrés ont une répartition mondiale et peuvent être capturés facilement et rapidement, avec une formation minimale. Ceci permettrait de faire appel à des bénévoles, par exemple pour la mise en place de campagnes d’un échantillonnage participatif à grande échelle. Ensuite, cette méthode est peu coûteuse. Certaines campagnes traditionnelles d’évaluation de la biodiversité pourraient être évitées et l’argent économisé pourrait ainsi être réinvesti dans les actions de conservation. Enfin, cette approche permet d’envisager l’étude d’espèces difficiles à observer ou encore de sites très reculés voir inaccessibles !

En collaboration avec un partenaire institutionnel, ARGALY, une société spécialisée dans l’analyse de l’ADN environnemental, a mené une étude de recherche et développement visant à optimiser l’extraction ADN à partir de mouches à sang en milieu tempéré (publication en cours de rédaction). Les résultats ont permis de détecter un nombre important de mammifères, inattendu en milieu citadin ! ARGALY propose désormais l’analyse d’échantillonneurs environnementaux pour l’évaluation de la biodiversité des mammifères terrestres. Les résultats recueillis à grande échelle pourraient permettre d’alimenter une banque de données au niveau international et d’ouvrir de nouvelles perspectives de conservation de la biodiversité.

Eva Bellemain
Co-fondatrice
Argaly

Taberlet, P., Bonin, A., Zinger, L., & Coissac, E. (2018). Environmental DNA: For Biodiversity Research and Monitoring: Oxford University Press.
Calvignac‐Spencer, S., Merkel, K., Kutzner, N., Kühl, H., Boesch, C., Kappeler, P. M., . . . Leendertz, F. H. (2013). Carrion fly‐derived DNA as a tool for comprehensive and cost‐effective assessment of mammalian biodiversity. Molecular ecology, 22(4), 915-924.
Siddall, M. E., Barkdull, M., Tessler, M., Brugler, M. R., Borda, E., & Hekkala, E. (2019). Ideating iDNA: Lessons and limitations from leeches in legacy collections. PLoS ONE, 14(2), e0212226.

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